Mis à part ses nombreux attraits, Miami Beach, en Floride, souffre d’une situation géographique qui la rend particulièrement vulnérable. Elle se dresse, en effet, sur la trajectoire des ouragans venus des îles du Cap-Vert et qui, chaque année, déferlent sur la région avec plus ou moins de violence. Le phénomène est accentué par le fait que la ville est située entre l’océan atlantique et la mer des Caraïbes, ce qui donne aux tempêtes, lors de leur déclenchement, un double angle d’attaque. Les habitants se sont certes habitués à ces brusques colères de la nature, les services météorologiques sont efficaces et les immeubles modernes sont construits selon des normes strictes. Cependant, l’expérience est toujours impressionnante et parfois traumatisante. Celle-ci arriva, en 1992, à Rav Leibowitz qui vit à Miami.

  Un jour, le service de météorologie lança une première alerte : un ouragan de forte puissance s’était mis en mouvement et le risque existait que sa trajectoire le conduise sur la ville. De fait, un jour plus tard, les premiers signes avant-coureurs apparurent : des vents violents commencèrent à souffler et leur force ne fit qu’augmenter d’heure en heure. Les habitants de la ville sentirent leur inquiétude monter d’autant plus vite que les prévisions annonçaient un ouragan classé haut dans l’échelle de puissance et que les dégâts seraient sans doute importants. De plus, une rumeur se répandit que cet ouragan avait déjà atteint la République Dominicaine et causé plus d’un millier de morts… Alors que le Chabbat approchait, l’urgence fut proclamée dans la ville et la tension devint palpable. A la fin du Chabbat, le service de météorologie, qui suivait l’évolution de la situation en temps réel, fit savoir que l’ouragan atteindrait la ville dans les prochains jours et qu’il n’y avait guère d’espoir que sa trajectoire dévie. Cette fois, l’inquiétude fut remplacée par les pires craintes dans le cœur de chacun. Nombreux furent ceux qui entreprirent de mettre en sûreté leurs biens les plus précieux.

Le lendemain matin, Rav Leibowitz téléphona au secrétariat du Rabbi et demanda au secrétaire, Rav Klein, de faire savoir ce qui se passait et le danger grandissant, que le Rabbi prie pour les habitants de la ville et, en particulier pour ses ‘hassidim et toutes les institutions établies dans la zone concernée. Cette même matinée, la radio locale donna avis à tous les habitants d’une certaine partie de la ville qu’ils devaient immédiatement évacuer l’endroit. D’après toutes les observations, c’est vers ce point précis que l’ouragan se dirigeait. Or, c’est justement là qu’habitaient les ‘hassidim et que les diverses institutions s’étaient installées. A la suite de cette annonce, toute la population concernée, y compris les hassidim, quitta les lieux pour trouver refuge dans un endroit plus sûr. Rav Leibowitz rappela le secrétariat du Rabbi. « Y a-t-il une réponse ? » demanda-t-il anxieux. Rav Klein lui répondit qu’il avait mis par écrit la question et que la réponse venait d’être donnée. Sur la lettre transmise, à côté de ce qui était décrit, le Rabbi avait réagi : « Il semble qu’ils exagèrent. » Et Rav Klein ajouta : « J’ai insisté oralement auprès du Rabbi. Je lui ai dit que les ‘hassidim de Miami Beach s’inquiètent énormément. Alors il a fait de la main comme un geste de dédain, comme pour dire que tout cela n’est rien et qu’il n’y a pas à s’inquiéter ! » Rav Leibowitz fit connaître cette réponse à tous ceux qui se trouvaient avec lui et cela causa à tous joie et soulagement. Certains, qui n’avaient pas encore pu quitter leur maison, décidèrent d’y rester. Cependant, nul ne pouvait ignorer que tous les prévisionnistes s’accordaient à dire que l’ouragan se dirigeait droit sur l’endroit où ils se trouvaient et la radio ne cessait pas de diffuser des alertes de plus en plus pressantes. Toute la journée, chacun resta à l’écoute, espérant entendre tout à coup que l’ouragan s’était apaisé ou qu’il n’y avait plus aucun risque. Mais cela ne se produisit pas. Les messages se succédèrent de plus en plus alarmistes et à intervalles de plus en plus rapprochées jusqu’au moment où, dans la soirée de dimanche, la radio annonça que, selon les prévisions, l’ouragan atteindrait la ville aux alentours de minuit !

Si certains, les plus sereins et confiants, tentèrent de se mettre au lit et de passer une nuit normale, ils n’y parvinrent pas. Personne ne put faire autrement que d’attendre, dans la crainte, les heures à venir qui, semblait-il, allaient être décisives. Et les questions de se bousculer dans les têtes : la maison était-elle assez solide, tiendrait-elle si les vents devenaient trop forts ? Ne pas fuir n’avait-il pas été une folie ? Il n’y avait de toutes façons plus rien à faire… C’est ainsi que la nuit passa alors qu’au dehors le vent hurlait. Les heures parurent plus longues que jamais mais, enfin, les premiers rayons de l’aube apparurent. L’obscurité se dissipa, le matin était arrivé et l’ouragan n’était toujours pas là ! On ouvrit les fenêtres soigneusement calfeutrées pour résister à tout ce qui devait se passer pendant les heures écoulées. Une pluie torrentielle tombait sur toute la zone, accompagnée de coups de tonnerre effrayants et d’éclairs aveuglants, mais rien d’autre ! Où était donc l’ouragan ? C’est tout ce que les ‘hassidim en virent. Peu de temps plus tard, l’atmosphère redevint calme comme à l’accoutumée. Pourtant cet ouragan avait bien existé. De fait, il reçut le nom d’Andrew et fut un des plus puissants et des plus destructeurs connus par les Etats-Unis. Malgré toutes les prévisions, il avait simplement contourné la ville, ne passant que sur sa banlieue sud. Personne ne prétendit que le Rabbi était un meilleur météorologiste que les services spécialisés de la ville de Miami…