Le calendrier est une chose bien délicate et subtile. Une analyse superficielle tendrait à nous faire croire que ce n’est là qu’un outil commode de calcul du temps qui, en soi, ne change rien au déroulement des jours, des mois et des années. Dans ce sens, quelle que soit son origine, qu’importe son mode de fonctionnement s’il répond à son usage. Pourtant, force est de constater que le peuple juif lui a toujours donné une importance qui dépasse très largement celle de la technique chronographique. C’est ainsi que le début des mois, celui de l’année sont déterminés par rien de moins que le texte de la Torah. C’est ainsi que la semaine est construite comme une ascension vers ce point culminant qu’en constitue le septième jour, le Chabbat.

C’est dire qu’un calendrier ne fait pas que mesurer le temps. Il le fait vivre en lui donnant sens. De fait, le temps n’est pas une donnée sans portée. Il constitue le tissu de notre vie, invisible mais toujours présent, comme un compagnon inséparable de l’existence, une dimension essentielle de la création au côté de l’espace. Ainsi, dire le jour, le mois ou l’année ne se limite pas à transmettre une information plus ou moins utile, c’est délivrer une vision du monde. Souvenons-nous que, dans les temps tragiques où la soldatesque romaine opprime notre peuple sur sa terre, le tyran décrète l’interdiction de déclarer le début du nouveau mois. Tant il est vrai que définir le temps, c’est définir le monde.

Quand arrive l’époque des sociétés aimables où nul arbitraire brutal n’impose de calendrier, gardons à l’esprit que l’enjeu n’a pas changé. Il faut vivre avec son temps, dit-on. Vivre avec son temps, c’est d’abord vivre avec celui qui avance en écho de notre âme, loin du temps du commerce ou des réjouissances de commande. Ce temps-là ne cesse de suivre son cours et il mérite qu’en chaque instant qui passe nous souhaitions à chacun, et sans doute à nous-mêmes, une bonne et heureuse année.