C’est en mai 68 que ce slogan retentissait dans les rues, témoin d’un profond mépris des institutions, même démocratiques. Les événements aux Etats-Unis lui ont donné sans doute une actualité nouvelle, certes dans un sens légèrement différent mais avec d’autant plus de puissance qu’il s’agit du centre d’un pouvoir inégalé à ce jour. Quant à nous qui, modestes citoyens électeurs en France, n’avons guère de prise sur ce qui se déroule si loin, il nous est de ce fait loisible d’y porter un autre regard. Quelle est donc la portée intellectuelle, morale voire spirituelle des élections, bien au-delà de la chose politique, qui leur confère une telle valeur ? Pourquoi y voir le fondement de tout pouvoir légitime de préférence à, par exemple, une sorte de sélection au mérite à inventer ?
Relevons tout d’abord que la notion de vote existe dans les communautés juives, et même dans la tradition juive, aussi loin que la mémoire remonte. Il suffit de se souvenir comment, selon un récit talmudique, Betsalel, l’architecte du Sanctuaire dans le désert, fut choisi pour cette œuvre. Certes, D.ieu le désigna à Moïse mais Il prit soin de préciser qu’il fallait, avant que cette désignation soit effective, qu’il se soumette à l’approbation de la communauté. Et nos Sages d’en déduire : « On ne nomme pas de responsable sans le vote de tous. » C’est du reste une règle que les communautés juives mirent en pratique au cours de l’histoire et jusqu’à nos jours dans leur domaine de compétence.
Si le processus électoral présente un caractère si essentiel, c’est justement parce qu’il incarne une force qui va au-delà des individus. Celui qui est élu cesse, d’une certaine manière, de n’être que lui-même. Ayant reçu l’onction du vote, il incarne la collectivité qui, si elle est composée d’individus, n’en constitue pas moins une entité supérieure. C’est donc investi, plus que d’un rôle, d’une force radicalement nouvelle qu’il prend ses fonctions. A celui qui comprend et assume une telle position, la politique politicienne importe peu. Alors, les élections sont bien loin de trahir, elles révèlent. Et le vainqueur devient le digne guide que chacun attend. C’est là une leçon pour tout pays et pour tout temps ; c’en est une aussi pour apprendre à voir dans le gouvernement ou la conduite des hommes, à quelque niveau que ce soit même le plus humble, une fonction et une voie Divines.